Poèmes à la manière de Ponge

La porte


          Si la porte est au passage ce qu’une valvule est à l’aorte, sa gloire n’est pas égale à la deuxième qui intrigua scientifiques et médecins  ;  la première devient insignifiante une fois qu’elle est posée.
Pourtant dotée d’une carrure impressionnante,  elle est si frêle, si fragile, que quelques coups la font trembler, qu’une main en colère peut l’ébranler.

Si les murs ont des oreilles, elle préfère rester sourde aux demandes des autres, pour peu qu’elle ait été verrouillée dans un mutisme périodique ou définitif.
            
          Lorsque l’on évoque le courage, elle ne fait que rougir, et choisit le silence devant les violences impunies qu’elle subit, jour après jour. Claquée, tirée, taguée, poussée, son quotidien devient vite calvaire mais, jamais elle ne sort de ses gonds.
          
        Néanmoins, de temps à autre, une âme dévouée lui apporte un soupçon de couleur qui change du tout au tout la pièce qu’elle surveille.
          
        Bien qu’administrant la fonction d’obstacle, c’est avant tout une gardienne, qui se montre peu aimable devant les hors-la-loi, alléchante lorsqu’elle renferme la connaissance ou implacable lorsqu’elle sauvegarde un secret.
           
       Lorsque dorénavant, vous utiliserez ces incomprises, je vous prie d’avoir de la considération pour ces petites natures tenant à un fil, si ce n’est à une vis. 

Le Miroir


         Impossible de se voiler la face, en passant devant lui, on ne se sent aucunement pétri de grâce. Comme Narcisse tombant amoureux de son reflet, l’égocentrique se questionne : « Qui est le plus beau ? ». Nous pouvons être gracieux et refléter le sourire de Blanche-Neige ou être maudit devant les éclats de verre tombant au pied de la Reine. Sept ans de malheurs ou sept ans de notre vie passés devant lui pour attirer toutes les convoitises!

     En restant de face devant lui, impossible de se cacher, il dévoile tous nos secrets. Ô miroir, mon beau miroir, dis moi ce que je ressens, ce que je cache. Il reflète nos sentiments. Il essaie de nous séduire pour montrer nos plus beaux côtés. Il se sert de notre lumière pour se sentir exister. Qu’il soit petit, grand ou de poche, il dévoilera nos pensées et nos ressentis. 

      Malheureusement, le miroir a beau réfléchir tout au long de sa vie, lui ne ressentira jamais rien au fond de lui. 

S.W

Le Clou


Le C est la première lettre du clou et la troisième lettre de l’alphabet. 1+3=4, le nombre de lettres du mot clou. La courbe du C est très redoutée, en effet quand un clou est plié, il est bon à jeter. Le O, le collier que l’on met au clou pour attacher, suspendre, accrocher toutes nos décorations, si belles. Que faisons-nous de ce clou fier et droit, lui qui porte tant de poids sur ses épaules ? Mais enfin, il n’a qu’un corps et une tête comme sa sœur la vis pleine de malice. Contrairement à son compère le crochet tordu et vicieux, le clou peut se vanter d’être honnête. Il y a peu d’êtres comme le clou d’une telle droiture. Mais n’en faisons pas un tabou, il n’est point le clou du spectacle.

CM

La Gomme


Tu es cet objet invisible, qui se place entre le gommage et la gommette. Tu te permets de changer d’habits selon tes envies, bien souvent, toute neuve, immaculée, tu portes le blanc en septembre. Abimée, en novembre tu revêts le gris pour finir toute usée en décembre et t’habiller de noir.

Tu es très grande et robuste mais tu finis tellement petite et fragile lorsque tu cours un peu trop vite. Grâce à ton pouvoir magique, tu es unique, effaçant les erreurs des étourdis qui t’utilisent. Tu aimes ça mais tu t’échauffes et t’effrites lorsque tu te frottes aux autres.

Tu finis alors ta vie seule, abandonnée et perdue, oubliée de tous et vite remplacée. Tu es poussière et redeviens poussière. 

MC 

Le Cercueil

            Après une vie bien remplie, plus ou moins de bonheur ou de malheur, après toutes les épreuves endurées au cours d’une vie, il ne reste plus qu’une chose, plus qu’un seul ami : le cercueil. Le cercueil accueille chaleureusement son occupant jusqu’à la fin des temps. Dans le berceau apparaît le premier sourire, dans le cercueil s’éteint le dernier soupire. Il vous accompagnera jusque là-bas, la dernière ligne droite pour oublier votre vie antérieure. Une fois parti, il sera votre fidèle compagnon, vous serez unis jusqu’à ce que la décomposition vous sépare. Vos proches compteront sur lui dans votre voyage vers l’infini, là où tout est déjà fini. Quel que soit le chemin que vous emprunterez, il sera à vos côtés. Cependant ne soyons pas pressés de le rencontrer.
                                                                                                                                VD.
 

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